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#Guest63 - Christophe ROBERT, Directeur Général de la Fondation de l'Abbé Pierre

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“Une politique sociale réellement préventive représente un investissement sur l’avenir du pays et permet d’éviter les coûts humains, sociaux et financiers d’une gestion très « urgentiste » de l’exclusion par le logement. ”
— Christophe ROBERT

1 - Dans votre 21ème rapport les chiffres sont alarmants : La France compte près de 3,8 millions de personnes mal-logées. Quelles actions concrètes attendez-vous du gouvernement pour ces derniers mois du quinquennat?

Nous attendons un volontarisme politique fort pour résorber la crise du logement. Le gouvernement doit mettre à profit ces derniers mois pour respecter les engagements du début de quinquennat et répondre aux besoins sociaux massifs qui s'expriment dans notre pays.

Premièrement, en termes de production de logements abordables aux ménages les plus modestes, rappelons que le Président s’est engagé à construire 150 000 logements sociaux par an. Or en 2015 seuls 109 000 logements sociaux ont été construits, dont 28 000 PLAI (les logements très sociaux). En complément, le parc privé doit également être mis davantage à contribution, en transformant une part importante des logements mis en location chaque année en logements à vocation sociale. 

Produire n’est pas suffisant. Il faut également réguler la flambée des loyers. Nous attendons en ce sens l’extension de l’encadrement des loyers aux 28 agglomérations prévues par la loi ALUR.

Autre mesure phare du quinquennat : la Garantie Universelle des Loyers, qui a donné lieu à une garantie minimale, appelée VISALE. VISALE ne couvre que les salariés (et encore, pas les personnes en CDI de plus de 30 ans). Nous demandons son extension à tous les salariés et aux personnes sans emploi.

Il faut également que le gouvernement adopte une posture réellement préventive sur le front des expulsions locatives, qui touchent plusieurs dizaines de milliers de ménages chaque année. Sans solution alternative, comment les personnes peuvent-elles s’en sortir, et ne pas basculer dans la grande précarité ou la rue ? Nous demandons la mise en place d’une ambitieuse politique de prévention des expulsions locatives, mais aussi des expulsions de squats et des évacuations de bidonvilles, de façon à permettre aux ménages menacés d’expulsion d’être accompagnés vers la résolution durable de leurs difficultés.

2 - Vous venez de rencontrer Emmanuelle Cosse, nouvelle Ministre du Logement et de l’Habitat Durable. Quels sont les points les plus importants à soulever pour ces derniers mois ? Un focus sur la lutte contre la précarité énergétique ?

Sur le front de la lutte contre la précarité énergétique, nous attendons du gouvernement qu’il respecte les engagements inscrits dans la loi de transition énergétique comme prendre les mesures incitatives et coercitives nécessaires à la rénovation annuelle des 250 000 logements occupés par des ménages aux revenus modestes par an (120 000 en HLM et 130 000 dans le parc privé comme le prévoit la loi de transition énergétique). Mais aussi permettre à toutes et à tous d’accéder à l’énergie en affectant des moyens suffisants au financement du « chèque énergie ». En enfin renforcer le Programme « Habiter mieux » et prévoir un accompagnement et un financement adapté permettant à davantage de ménages pauvres d’accéder à ce programme.

3 - Que montre les résultats de votre plus important programme en termes de subventions « Toits d’Abord » (concept qui vient des États-Unis, « Housing First »), une offre locative accessible pour les personnes en précarité les plus éloignés des circuits normaux de l’accès au logement? Quel est le prix moyen des loyers de ces logements très sociaux ? À qui bénéficie majoritairement ce programme ? Familles monoparentales ?

Le choix de « Toits d’Abord » est effectivement un écho à Housing First : nous souhaitions signifier que pour réaliser le « Logement d’abord » il faut d’abord produire des logements. « Toits d’Abord » est la contribution de la Fondation Abbé Pierre à la réduction du déficit de logements accessibles pour les plus démunis. Les loyers sont situés entre 4,50€ et 8€ le m2, selon les secteurs géographiques.

Mais au-delà du loyer, le plus important est de prendre en compte le coût d’usage complet du logement et le « reste pour vivre » des locataires, une fois payés le loyer et les charges. Une attention particulière est donc portée à la sobriété des logements (coûts de chauffage, par exemple). Une évaluation du programme a montré que grâce à la performance énergétique des logements, les ménages économisaient 900€ par an et par unité de consommation !

Le programme « Toits d’abord » 2014-2015 a permis de loger 950 ménages, dont 91% étaient sous le seuil de pauvreté, et dont 18% étaient des travailleurs pauvres. En effet sur plus de 600 familles logées dans des logements ordinaires, 40% sont des familles monoparentales et 30% sont des couples avec enfants. 34% des familles sont composées d’au moins trois enfants.

4 - Quelle est votre politique de répartition des aides entre vos différents programmes : Toits d’Abord, SOS Taudis (rénovation de logements),

Les missions sociales de la Fondation Abbé Pierre sont déclinées par la Direction des Missions Sociales (DMS) organisée en « secteurs » (Solidarité internationale ; Promotion des habitants ; Boutiques solidarité et pensions de famille et Habitat Logement). Le secteur Habitat Logement est décliné par nos équipes d’agences régionales là où nous en avons et par l’équipe du siège à Paris.

Par ailleurs, nous déclinons des programmes nationaux qui sont soit centralisés (Toits d’abord) soit déclinés par la DMS et les agences régionales (c’est le cas pour le programme SOS Taudis).

Les actions et programmes sont présentés au Conseil d’Administration et au Bureau, dans le cadre d’un plan stratégique à 5 ans et dotés d’un budget annuel, rediscuté chaque année. Les actions qui ne relèvent pas d’un programme s’inscrivent dans une enveloppe « Hors programme ».

©LjubisaDanilovic

©LjubisaDanilovic

5 - Pour parvenir à une « bonne » ou « durable » politique du logement prenant en compte toutes ses dimensions systémiques, quels grands changements faut-il opérer pour pérenniser ce secteur?

Ce qui importe en premier lieu, c’est de voir le logement comme un droit fondamental, comme une sécurité face aux aléas de la vie, et non comme une valeur d’échange. Le logement n’est pas un bien comme les autres.

C’est en cela que la Fondation porte une vision de long terme sur la politique du logement. Une politique sociale réellement préventive représente un investissement sur l’avenir du pays et permet d’éviter les coûts humains, sociaux et financiers d’une gestion très « urgentiste » de l’exclusion par le logement. À titre d'exemple, il vaut mieux accompagner les personnes à la source de leurs difficultés, que de les orienter vers des hôtels une fois à la rue (hôtels qui n'offrent pas de bonnes conditions de vie pour les personnes et sont coûteux pour la puissance publique).

Il faut également prendre en compte le coût des dégâts sanitaires occasionnés par le saturnisme par exemple, le coût des dommages faits aux enfants mal-logés en termes de vie de famille, de scolarisation ou d’insertion future.

D’autre part, habiter un logement trop cher et énergivore ; c’est trop souvent restreindre ses dépenses d’alimentation, de santé, d’équipement scolaire ou de loisirs.

Les économies budgétaires évoquées sans cesse par le gouvernement pour justifier certaines coupes sombres dans les dépenses en faveur du logement des personnes défavorisées révèlent donc une vision à très court-terme du rôle des politiques publiques, ce qui est dommageable pour l’ensemble de la société.

6 - Comment faire appliquer selon vous les 25% obligatoire de logements sociaux de l’article 55 de la loi SRU à toutes les communes concernées ?

La loi SRU a besoin d’être politiquement portée, mieux appliquée et mieux ciblée.

La Fondation Abbé Pierre propose par exemple de doubler les pénalités annuelles des communes en déficit, de transférer automatiquement au préfet les droits de réservation dont dispose la commune sur les logements sociaux en cas d’arrêté de carence. Il est également nécessaire de généraliser les secteurs de mixité sociale, et d’aller plus loin sur le cadrage des types de logements sociaux produits au profit de ceux qui présentent les loyers les plus bas.

Nous soutenons d’autre part la préconisation du HCLPD (le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées) consistant à donner au préfet de région le pouvoir de prendre des arrêtés de carence, car il est plus éloigné des enjeux locaux que son homologue départemental.

D’autre part, lorsque les communes ne respectent pas la loi SRU, il devrait être possible de fixer des objectifs de mobilisation du parc privé à des fins sociales. C’est un outil disponible immédiatement, qui complète parfaitement les effets à long terme de la production de logements sociaux.

 

 

 

 

 

 

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