Christian Kroll, fondateur d'ECOSIA, le moteur de recherche qui plante des arbres
Comme tout moteur de recherche, nous gagnons de l’argent à partir des annonces publicitaires. La seule différence est que nous avons choisi d’investir jusqu’à 80% de notre bénéfice dans la reforestation de la planète. On s’est tout simplement posé la question suivante: Pourquoi existons nous : pour faire du profit ou bien pour une cause plus grande et moins ego centrée? Nous avons le rêve fou de planter 1 milliard d’arbres d’ici 2020!
1 - Vous avez démarré l’aventure en 2009 dans le but d’entreprendre pour la bonne cause. Vous comptez aujourd’hui plus de 2,5 millions d’utilisateurs. Avec l’Accord de Paris (COP21) et les documentaires engagés soutenus par des artistes internationaux comme Leonardo Dicaprio avec Before the flood ou encore avec Jeremy Irons avec Trashed, voyez-vous une croissance au niveau de vos utilisateurs ces derniers mois ?
Difficile à lier ça à l'intervention de ces artistes remarquables. Je crois qu'il s'agit davantage d'une dynamique globale portée par beaucoup de personnes en France et dans le Monde. Je nommerais plutôt le film "Demain" et ces petites initiatives qui agissent dans l'ombre sans être forcément médiatisées.
Nous voyons une forte croissance, presque exponentielle, au niveau des utilisateurs. Aussi parce que notre service est enfin mature pour parler à de nombreuses personnes. Les fondements sont là pour vraiment faire connaitre notre initiative. Nous pouvons enfin dire que le business model marche vraiment.
2 – Vos projets de reforestation se font au Burkina Faso, à Madagascar et au Pérou. Une attirance particulière pour le continent africain ?
En fait ce n'est pas tellement le continent africain que nous ciblons particulièrement, en ce moment nous sommes en train de démarrer un nouveau projet en Indonésie. Nous choisissons surtout des zones déforestées situées dans des zones particulièrement pauvres de la planète car les habitants n'ont souvent pas les moyens financiers pour mener ce genre de projet. Notre but est de véritablement apporter aides et solutions dans ces zones vulnérables pour la nature et pour les hommes qui y travaillent.
3 – Expliquez-nous votre business model et comment vous répertoriez les associations locales ?
Notre fonctionnement est finalement assez simple. Comme tout moteur de recherche, nous gagnons de l'argent à partir des annonces publicitaires. La seule différence est que nous avons choisi d'investir jusqu'à 80% de notre bénéfice dans la reforestation de la planète. On s'est tout simplement posé la question suivante: Pourquoi existons nous : pour faire du profit ou bien pour une cause plus grande et moins ego centrée?
Pour ce qui est de l'audit sur le terrain, c'est Pieter notre Tree Planting Officer qui voyage dans les Pays en question pour faire le point avec les projets existants et en prospecter de nouveaux. En ce moment même nous envisageons de démarrer un projet en Indonésie lié à la protection des Orang Outan.
Nous choisissons des associations qui veulent réellement recréer des écosystèmes et prendre soin des êtres vivants et de la nature. Au Burkina Faso, notre partenariat exige que toute personne de la communauté locale puisse s'engager, si elle le souhaite, et qu'elle soit rémunérée en fonction.
4 – La barre des 5 millions d’arbres plantés à été franchi en 2016, quel est votre prochain objectif ?
Nous avons le rêve fou de planter 1 milliard d'arbres d'ici 2020! C'est à la fois énorme et pas si infaisable. Si 10% des utilisateurs d'Internet en France utilisaient Ecosia, nous pourrions planter environ 100 millions d'arbres supplémentaires par an. La réalité est un peu plus complexe, car nous tenons à restaurer les écosystèmes et pas uniquement planter des arbres, et cette approche qualitative prend du temps.
5 – Si vous deviez résumer l’action d’un arbre sur notre écosystème ?
Il y a des personnes qui écrivent des livres entier pour répondre à cette question passionnante... L'action d'un arbre est multiple et nous n'en savons qu'une infime partie en réalité. Récemment on a découvert qu'un arbre pouvait "ressentir" les ondes sonores. D'une certaine façon il peut "entendre" et réagir en fonction.
Je dirais qu'au delà de fournir des matières premières tel que le bois et des fruits aux populations locales, chaque arbre stabilise les sols et empêche l'érosion. Il stocke des nutriments et de l'eau comme les baobabs plantés au Burkina Faso qu'il partage avec ses voisins. Il abrite et protège des nombreuses espèces animales, des insectes, des champignons... Les feuilles qui tombent chaque année se décomposent et enrichissent le sol, les forêts créent des barrières naturelles contre les intempéries, les vents violents. Et aussi ce dont tout le monde parle pour justifier la plantation d'arbre, la captation du CO2 et donc un des meilleurs moyens pour agir contre le réchauffement climatique. C'est ce qu'on appel un puits de carbone comme le sont au même titre nos océans et sols agricoles.
Souvent je parle aussi de forêt et non pas uniquement d'un arbre isolé, car le fonctionnement d'un tel écosystème est un vrai exemple d'interdépendance et de cohabitation dans la diversité la plus totale. Notre société aurait beaucoup à apprendre d'elle...
6 – L’avenir des entreprises le voyez-vous dans leurs actions eco-responsables?
L'avenir des entreprises je le vois dans la réponse à la question "Quelle est notre vrai raison d'exister, d'être en vie?". C'est un avenir ou chaque entreprise arrête de penser en terme d'exploitation mais en terme d'évolution. L'entreprise de demain défend davantage le fait de prendre soin des femmes et des hommes qui la composent ainsi que de l'écosystème dans lequel il évolue plutôt que d'augmenter le profit à tout prix.
Christian Kroll et Ferdinand Richter, Country Manager France