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#Guest58 - Thierry DUFRESNE, Fondateur de l'OBSERVATOIRE FRANÇAIS D'APIDOLOGIE

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“La première action qui m’a paru essentielle était que si les abeilles disparaissent, il fallait obligatoirement agir pour en reproduire afin de repeupler le cheptel”
— Thierry DUFRESNE

1 - En 2010 un article sur la disparition des abeilles dans le monde bouleverse votre vie : après avoir passé 30 ans dans l’univers du luxe et de la mode aux commandes de Lanvin ou encore de Christian Lacroix et en poste dans le groupe Chalhoub, vous décidez d’agir face au déclin des abeilles. Une prise de conscience qui vous fait prendre un virage à 180° dans votre carrière avec l’objectif de faire quelque chose d’utile pour les générations futures au moment où vous devenez grand-père ?

Comme chacun d’entre nous, j’ai été sensibilisé par la presse au phénomène de disparition des abeilles, et j’ai réalisé que ce pollinisateur était indispensable à la vie végétale, à la chaine alimentaire et au maintien de la production agricole.

J’ai découvert que les pesticides étaient considérés comme le principal fléau engendrant cette disparition et je me suis aperçu que, malgré le fait que le signal d’alarme avait été lancé il y a près de 20 ans, le sujet était toujours d’actualité.

Or, comme j’avais du mal à imaginer l’arrêt total de l’utilisation de pesticides dans l’agriculture, j’ai considéré qu’en attendant que ce problème soit résolu, il était urgent de passer à l’offensive en menant des actions concrètes, avec effet immédiat, pour tenter de pallier les pertes massives d’abeilles dont la mortalité moyenne est estimée à 30% par an.

J’ai également réalisé que si la mortalité des abeilles était de 30%, cela voulait dire que les apiculteurs perdaient de ce fait 30% de leur outil de production chaque année. Ils étaient donc condamnés à disparaître eux aussi.

Avant d’imaginer les actions concrètes à mener, j’ai tenté de dresser un constat de la situation de la filière apicole.
La filière apicole, c’est 42.000 apiculteurs dont 97% sont des apiculteurs de loisirs. Environ 1.300, seulement, sont des professionnels. Or depuis 10 ans le nombre d’apiculteurs ne cesse de baisser et cette tendance ne va pas s’arrêter puisque 50% des apiculteurs sont à l’âge de la retraite.
La filière apicole c’est également 1 millions de ruches, contre 1,3 millions il y a dix ans. C’est enfin une production annuelle d'environ 15.000 tonnes de miel contre 33.000 il y a dix ans, alors que la consommation nationale est de 40.000 tonnes.
En résumé, j’ai pris conscience que l’apiculture était face à un effondrement de sa filière.

La première action qui m'a paru essentielle était que si les abeilles disparaissent, il fallait obligatoirement agir pour en reproduire afin de repeupler le cheptel. Or, j’ai constaté qu’il n’existait pour ainsi dire pas de filière d’élevage et de reproduction. L’élevage ne représente qu’à peine 4% du chiffre d’affaires de la filière apicole. Il devenait donc indispensable d’encourager la sélection et l’élevage de reines et d’essaims. En effet, si l’on considère ce que nous dit l’Université de Reading en Grande Bretagne, il manquerait 13 million de ruches en Europe pour maintenir la production agricole et éviter de mettre en danger la sécurité alimentaire. Aujourd’hui nous sommes 7,3 milliards d’individus sur la planète et 800 millions sont en carence alimentaire. Que se passera t-il lorsque nous serons 10 milliards en 2050 ? Mais s'il faut augmenter le nombre de colonies d’abeilles, il faut impérativement augmenter le nombre d’apiculteurs et donc en former des nouveaux.

En conséquence, la deuxième action concerne la promotion du métier d’apiculteur. Face à la diminution du nombre d’apiculteurs il faut donc expliquer et promouvoir ce métier en encourageant des jeunes à se lancer dans l’apiculture et en les formant aux techniques apicoles de sélection et d’élevage ainsi qu'aux techniques sanitaires.

Or il n’existe aucune formation initiale pour former des apiculteurs professionnels. Mis à part les ruchers-école qui sont très actifs dans la formation d’apiculteurs de loisirs, seuls une dizaine de Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole (CFPPA), sur les 78 existants sur le territoire nationale, dispensent une formation professionnelle apicole destinée aux personnes en reconversion professionnelle. En tout, moins d’une cinquantaine d’apiculteurs professionnels sont formés chaque année, alors que le Ministère de l’Agriculture reconnait lui-même qu’il en manque trois mille en France. Il y a donc un besoin impératif de former des jeunes apiculteurs professionnels! Lorsque j’ai pris conscience de cette situation préoccupante, je me suis dit qu’il fallait agir et que je devais prendre mes responsabilités de citoyen en apportant les compétences que j’avais acquises dans ma vie professionnelle, pour porter un projet qui tenterait d’apporter des réponses concrètes à cette problématique.

Afin d’agir concrètement, j'ai décidé de créer en 2011, avec ma femme Soizic et avec Hervé Racine une ferme apicole expérimentale dans le massif la Sainte Baume. Puis en 2013, nous avons créé l’Observatoire Français d’Apidologie, association à but non lucratif, déclarée d’intérêt général, pour agir en faveur du repeuplement des abeilles afin de renforcer la pollinisation nécessaire au maintien de la production agricole, 

L’OFA c’est une organisation unique, dotée d’une équipe d’experts, composée de scientifiques, de sélectionneurs et d’apiculteurs professionnels et qui regroupe :
- Le plus important cheptel expérimental en Europe, constitué de 800 ruches, qui permet de procéder à des travaux de recherche appliquée.
- Un laboratoire de sélection et de testage des performances qui procède à l’étude de la génétique des colonies d’abeilles, à l’étude du sperme des mâles et procède à l’insémination instrumentale des reines.
- Le Conservatoire de l’Abeille Noire de Provence qui est situé sur l’île de Porquerolles et qui dispose d’un laboratoire et d’un centre de formation, grâce à un partenariat avec le Parc national de Port Cros. Ce conservatoire permet de conserver pour les générations futures et dans sa forme la plus pure, l’abeille noire installée en Provence depuis des millions d’années.
- La première école de formation longue, spécialisée en Apidologie qui dispense une formation spécialisée en entomologie des abeilles, en techniques sanitaires, en techniques de sélection, d'élevage et de reproduction. Cette formation est effectuée en partenariat avec le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion du Var, situé à Hyères.

Inauguration de l'OFA en présence du Prince Albert II et du Ministre de l'Agriculture Stéphane le Foll

Inauguration de l'OFA en présence du Prince Albert II et du Ministre de l'Agriculture Stéphane le Foll

Le sujet est suffisamment préoccupant pour que toutes les institutions politiques et économiques s’en saisissent. Cette prise de conscience générale s’est traduite par la décision du Président Obama de décréter la sauvegarde des abeilles, priorité nationale aux États-Unis.
Au niveau européen, toutes les commissions concernées par le sujet réfléchissent sur les actions à mener pour favoriser la pollinisation nécessaire au maintien de la production agricole européenne.

C’est ainsi, qu’à la demande de députés européens qui sont venus visiter notre ferme apicole, nous avons été auditionnés par les directions générales de cinq commissions, celles de l’Agriculture, de la Santé et de la Protection des Consommateurs, de l’Éducation et de la Culture, de la Recherche et de l’Innovation, de l’Environnement.

Insémination artificielle d'une Reine séléctionnée

Insémination artificielle d'une Reine séléctionnée

Greffage : prélèvement de larves

Greffage : prélèvement de larves

2 - Comment s’est déroulée votre arrivée dans le monde de l’apiculture : un ponte dans le domaine vous a t il épaulé où vous avez joué la carte de l’autodidaxie ?

Lorsque je suis arrivé dans le monde de l’apiculture, je me suis d’abord fait discret pendant trois ans, le temps de découvrir et d’approfondir le métier de l’apiculture et d’avoir la légitimité pour exprimer mes idées et mes propositions. 

Puis lorsque j’ai créé l’OFA, j’ai souhaité porter ce projet en m’entourant d’experts reconnus et respectés, comme Gilles Fert un des plus grands sélectionneurs français, Gilles Munari également sélectionneur, le Pr. Lionel Garnery Directeur de recherche au laboratoire Évolution, Génomes et Spéciation du CNRS et Maître de Conférence à l’Université de Versailles, le Dr Marc Edouard Colin qui a été un des tous premiers lanceurs d’alerte sur les méfaits des pesticides ou le Dr Marla Spivak Professeur à l’Université de Minneapolis au USA.

3 - Une des solutions pour lutter contre la mortalité des abeilles est de planter des plantes mellifères ou appelé nectarifère. Vous venez justement de faire un partenariat avec Villes et villages fleuris de France qui labellise plus de 4000 communes. En quoi consiste votre partenariat ?

Les causes de disparitions des abeilles sont multifactorielles, dont principalement les pesticides, le varroa et le manque de ressources nectarifères.

Pour répondre au manque de ressources nectarifères, indispensable aux abeilles, l’OFA a lancé le 7 octobre 2015, au cours de l’Assemblée Générale de Val’Hor (l’Interprofession de l’Horticulture, de la Fleuristerie et du Paysage), l’idée des "Villes et Villages Fleuris Mellifères".
L'OFA a ainsi proposé au Conseil National des Villes et Villages Fleuris de France d’inciter les 4.531 bénéficiaires du label, à devenir Villes et Villages Fleuris "Mellifères", afin de procurer aux abeilles les ressources alimentaires nécessaires à leur sauvegarde.
A l’invitation du "Conseil National des Villes et Villages Fleuris", l’OFA a officialisé ce projet le 24 février 2016, en remettant une mention « mellifère » à un village de France, au cours de la cérémonie annuelle de remise des prix, en présence de Matthias Felk, Secrétaire d’État chargé du Commerce Extérieur, de la Promotion du Tourisme et des Français à l’étranger.

4 - Pour arriver à vos objectifs de former 30 000 apiculteurs et installer 10 millions de ruches en Europe d’ici 2026 avec quels pays êtes-vous en train de partager vos expériences et résultats afin qu’ils soient reproduit ?

Le sujet est planétaire et il est suffisamment préoccupant pour que toutes les institutions politiques et économiques s’en saisissent. Cette prise de conscience générale s’est traduite le 20 juin 2014 par la décision du Président Obama de décréter la sauvegarde des abeilles, priorité nationale aux États-Unis.

Au niveau européen, toutes les commissions concernées par le sujet réfléchissent sur les actions à mener pour favoriser la pollinisation nécessaire au maintien de la production agricole européenne.

C’est ainsi, qu’à la demande de députés européens qui sont venus visiter notre organisation, nous avons été auditionné en juin 2014 par les Directions Générales de cinq commissions, celles de l’Agriculture, de la Santé et de la Protection des Consommateurs, de l’Éducation et de la Culture, de la Recherche et de l’Innovation, de l’Environnement

Puis le 16 avril 2015, le Parlement a invité l’OFA à s’exprimer devant les députés européens. Au cours de cette intervention j’ai exposé des mesures d’urgence autour de 4 programmes : un programme de repeuplement d’abeilles, de régénérescence du cheptel européen, un programme de formation d’apiculteurs professionnels et un programme de recherche sur la résistance au varroa.

Avec la réalisation d’un objectif de formation de 30.000 nouveaux apiculteurs en Europe et la création de 10 millions de nouvelles colonies d’abeilles, à échéance 2025. 

En novembre 2015, les trois institutions européennes, le Parlement, la Commission et le Conseil, ont validé le Projet Pilote "Restructuration de la filière apicole et du programme d'élevage et de sélection pour la recherche sur la résistance au Varroa», proposé et présenté par l’OFA.

Pour mettre en œuvre ce projet pilote, l’OFA est en train de mettre en oeuvre des partenariats avec différents pays européens dont l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Pologne, les Pays-Bas,… Un premier partenariat a d’ores et déjà été conclu avec l’organisation Arista Bee Research aux pays-Bas.

Au delà de l’Europe, l’OFA a également concrétisé un partenariat avec l’équipe scientifique du Dr Marla Spivak, Professeur à l’Université de Minneapolis dans le Minnesota (USA).

5 - Où en êtes-vous de la création du Centre européen de formation en apidologie ?

La création du Centre Européen de Formation en Apidologie est prévu pour 2017. Nous sommes en train de réunir des mécènes pour financer ce projet, aux côtés de l’Europe. 

6 - Selon vous comment arriver à une entente harmonieuse entre apiculteurs, agriculteurs et horticulteurs sur la problématique des pesticides pour assainir l’espace rural ?

Les apiculteurs et les agriculteurs sont intimement liés par le fait qu’il existe un « contrat de vie » entre l’abeille et les fleurs et les plantes. L’abeille a besoin d’elles pour se nourrir et donc vivre et les fleurs et plantes ont besoin de l’abeille pour se reproduire et donc vivre.

Plutôt que s’opposer, apiculteurs et agriculteurs doivent comprendre qu’ils sont indissociables. C’est en prenant conscience qu’une pollinisation dirigée, sous le contrôle d’un apiculteur, permettra à l’agriculteur d’augmenter significativement sa production, qu’il acceptera de  réduire l’utilisation souvent intensive de pesticides et qu’il respectera un cahier des charges permettant de suivre des règles de bonne conduite dans l’utilisation des produits nocifs.

7 - Quelle est la différence de vos travaux avec l’Institut de l’Abeille ?

Les travaux de l’OFA sont complémentaires de ceux menés par l’Institut de l’Abeille (ITSAP), qui existe depuis 2009.

Ils diffèrent cependant dans l’organisation et les méthodes, l’ITSAP étant un organisme public, s’appuyant sur des associations locales au niveau national, l’OFA quand à lui étant une organisation privée, totalement indépendante, et directement acteur de terrain. L’autre différence fondamentale est que l’ITSAP est financé par des fonds publics, tandis que l’OFA est financé par ses fondateurs et par des fonds privés : La fondation Prince Albert II de Monaco, La société Guerlain, etc.

Pour Un Monde Meilleur avec le couple engagé Soizic et Thierry DUFRESNE

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